Une plongée au cœur du réacteur



Nous sommes à la fin des années 1980, (88 ou89), notre équipe du jour est constituée de Patrick Michel, Hervé Blanchard et votre narrateur Patrice Cotty, nous intervenons à PARIS en visite d'ouvrage quand on est averti par notre client que le responsable de l'agence SOGETRAM Michel Caillot nous demande de boucler le chantier et de venir de toute urgence à la péniche quai de la Rapée pour le rencontrer. Nous fermons notre chantier et rechargeons la camionnette pour nous exécuter au plus vite, une fois sur place M Caillot nous explique la raison de ce changement soudain,

« Il y a un problème à la centrale nucléaire de Nogent sur Seine, la centrale est en période d'arrêt et un robot appelé MIS à perdu des morceaux dans le cœur du réacteur, EDF nous demande d'intervenir en urgence pour récupérer ces éléments, je vous rassure le combustible du réacteur à été évacué vers la piscine de stockage »

Je lui réponds :

« Je ne sais pas si cela doit nous rassurer, mais une plongée dans le cœur du réacteur cela n'a jamais été fait et en plus on n'a pas le matériel ici, il faut retourner à Garennes au Moulin pour tout tester et vérifier que c'est possible »

A l'époque nous avions réalisé déjà de nombreuses plongées en milieu irradié, à Marcoule, la Hague pour le CEA et aussi à Gravelines pour des recherches de fuites dans une des piscines de stockage, et lors de ces interventions nous avons affinés nos techniques et notamment le suivi de l'irradiation et de la contamination des scaphandriers intervenants.

Michel Caillot

« Très bien vous retournez à Garennes chercher le matériel, faites vos tests et reprenez la route vers Nogent sur Seine quelle que soit l'heure pour réaliser si possible ce chantier »

Et voila on remonte dans la camionnette et direction le moulin, une fois sur place avec l'aide du magasinier nous récupérons tout le matériel, un vêtement Viking ainsi qu'un casque AQUADINE (casque rigide qui est toujours en légère surpression) l'ensemble est donc un volume constant, mais il faut tester son étanchéité il n'est pas question qu'on prenne la moindre goutte d'eau une fois dans la piscine du réacteur. On installe un poste de plongée près des vannages et je m'équipe, je tombe à l'eau et j'y reste une vingtaine de minutes pour tout vérifier, communications et étanchéité de la tenue et du casque. Le test est concluant, pas d'entrée d'eau, nous avons aussi dans notre équipement une sonde immergée reliée à un mesureur de radiation, cet instrument va nous permettre de connaitre l'intensité des radiations (le débit de dose) à des endroits précis et surtout dans la zone ou devra évoluer le scaphandrier, mais j'y reviendrais après.

Nous chargeons le matériel et nous reprenons la route en direction de Nogent sur Seine ou l'EDF nous attend avec impatience, nous arrivons sur place en fin d'après midi et là les ennuis commencent, pour entrer dans une centrale nucléaire il faut bien sur être habilité et montrer patte blanche en fournissant des documents, la pièce d'identité, une carte professionnelle de suivi médical de (affecté aux personnel travaillant sous rayon ionisant) un carnet individuel de travailleur D.A.T.R , mais voilà mes deux collègues ont tout sur eux mais pas moi. En fait je ne m'attendais pas à entrer aujourd'hui en centrale et mon carnet D.A.T.R est resté chez moi, le service d'ordre se montre intraitable et ne veut pas me laissez entrer, alors je tente un coup de bluff,

« Bien je comprends, mais notre intervention est de toute urgence il en va de la sécurité de la centrale, moi cela ne me dérange pas on s'en va et vous aurez à vous expliquer avec vos supérieurs et le directeur de la centrale »

L'effet escompté à réussi, il daigne enfin prendre son téléphone et appeler ses supérieurs pour expliquer le problème, le résultat ne se fait pas attendre il faut nous laisser pénétrer dans la centrale et nous envoyer au centre médical du site afin de passer une anthropogammamétrie.

Je pense que je dois être encore à ce jour le seul à avoir pu entrer sur un site nucléaire avec la moitié de mes documents, nous voila au centre médical, l'anthropogammamétrie consiste à se placer sur un siège pendant 20 a 25 mn devant un gros capteur cylindrique dirigé vers votre cou au niveau de la glande thyroïdienne.

Cet examen détecte, identifie et mesure, en becquerel (Bq) la radioactivité gamma présente dans le corps humain, on réalise une mesure en entrant sur le site et une en sortant du site et bien sur les valeurs ne doivent pas changer, si jamais elles avaient augmenté cela voudrait dire que vous avez inhalé ou ingéré une matière radioactive

Mais cet examen ne vous dira pas si vous avez été irradié, pour cela il y a le film test que vous portez sur vous qui vous dira à son développement si oui ou non vous avez été soumis à un rayonnement ionisant important ou non.

Une fois l'examen terminé on nous accompagne sur zone, où nous faisons entrer tout notre matériel et nous nous trouvons quelques temps après au bord de la piscine où nous apercevons dans le fond le réacteur ouvert, avec le capot dôme démonté et stocké un peu plus loin, le robot MIS coiffe le dessus du réacteur il est équipé de nombreux capteurs et de caméras il permet de faire des inspections des soudures et des parois inox et bien d'autres choses encore. 

le robot MIS au dessus du réacteur ouvert

On nous explique que MIS à perdu un collier rilsan et un écrou visible sur des écrans du centre de contrôle, qu'il faut récupérer ces deux éléments car s'ils restaient en place au redémarrage du réacteur une fois le combustible remis en place, ces intrus pourraient partir dans les pompes du circuit primaire et détériorer celles-ci, bien sûr ce qui est inimaginable.

Pour commencer on installe notre poste de plongée, on construit avec l'aide d'agents EDF une cabane en vinyle avec deux chambres sas qui serviront de zone de décontamination et de récupération des matériels pollués ou irradiés, on installe une échelle de mise à l'eau et un puissant jet d'eau qui servira au rinçage du scaphandrier

Mais voila avant de plonger il faut vérifier le débit de dose (l'irradiation ambiante) dans la zone ou nous devons intervenir, et en fonction des résultats cela déterminera le temps maximum de notre plongée, car bien évidement plus on reste longtemps exposé à un rayonnement d'une certaine densité plus la dose intégrée par le scaphandrier sera importante. Pour ce faire nous utilisons notre sonde immergée reliée par son câble au mesureur de radiation en surface et nous établissons un plan mètre carré par mètre carré avec les valeurs relevées.

L'eau est translucide, elle est borée, les combustibles ne sont plus là (stockés dans des paniers dans une autre piscine) mais le danger lui il est bien présent.

Le bore est utilisé dans les réacteurs de centrales nucléaires comme ralentisseur ou absorbeur de neutrons lents. Mélangé à l'eau du circuit primaire, il permet de contrôler les réactions thermonucléaires et d'éviter l'emballement du réacteur.

D'après nos calculs et les débits de dose relevés nous ne devons pas intervenir plus de 10 mn au fond sous peine de prendre en ce temps-là la dose légale admise par un travailleur pour une année (5 rems je crois à l'époque)

Nous avons bien étudié le parcours du scaphandrier, bien identifié les éléments à récupérer, leurs positions exactes, il n'y a plus qu'a réaliser cette plongée sans doute une première mondiale.

Et c'est Hervé BLANCHARD qui s'équipe, aujourd'hui encore je ne sais pas si on se rendait compte des risques que nous prenions, on avait confiance, on était sûr de nous, il fallait le faire.

Hervé se déplacera avec la sonde IFM relié au mesureur en surface, sur sa poitrine afin qu'on le dirige au mieux, la plongée va durer 3mn les deux éléments perturbateurs sont récupérés à l'aide d'une pince et mis dans un petit sac, le scaphandrier remonte à l'échelle et la phase la plus pénible commence : la décontamination.

Le scaphandrier se tient hors de l'eau sur l'échelle et il faut le rincer avec de l'eau claire pendant de longues minutes afin d'ôter le plus possible les résidus ionisant de son vêtement, ensuite il sort dans le premier sas et Patrick Michel et moi-même ainsi qu'un agent EDF commençons à frotter centimètre par centimètre tout l'équipement du scaphandrier (nous sommes équipés d'un masque a gaz et de plusieurs tenues cotons superposées et scotchées aux extrémités pour éviter de nous contaminer).

Cette séance de décontamination peut durer plus d'une heure, il faut éplucher le scaphandrier, lui retirer les plombs, le biberon secours, frotter son vêtement, contrôler avec un mesureur de radiation et faire baisser au plus bas le rayonnement on utilise des alcools et des produits spécifiques, on rince à l'eau et au bout d'une heure on retire le casque et on extrait avec précaution le scaphandrier de sa tenue.

Hervé passe ensuite dans le deuxième sas, avec nous où on retire notre première peau, on déshabille le plongeur, toujours en contrôlant qu'il n'y pas de contamination, on stocke tous les matériels irradiés dans des fûts, aussi bien le matériel de plongée que les chiffons ou linges contaminés.

A la fin du processus nous devons ressortir du 2é ou 3e sas complétement propre sans avoir la moindre contamination ionisante sur nos vêtements, tout le matériel de plongée ainsi que la sonde et son câble seront mis en fût et resteront dans la centrale, une simple plongée de 5mn génère un maximum de déchets, si le matériel de plongée est sous un certain niveau de dose il pourra resservir à une future opération en attendant il sera stocké en fût sur place dans une zone « chaude ». Cela a dû m'arriver une seule fois à Marcoule de replonger avec une tenue ayant déjà servie à une précédente opération.

L'opération fut un succès, tout le monde était content, il était 2h du matin et ce n'était pas fini il fallait repasser par le centre médical pour notre anthropogammamétrie de sortie, et enfin récupérer nos pièces d'identités au poste de garde et regagner PARIS et Garennes, au petit matin, une journée de scaphandrier pas comme les autres.

Peu de temps après en 1990 sur cette même centrale mais pas en milieu ionisant à l'extérieur sur les bassins des tours réfrigérantes, Thierry JULIEN un jeune plongeur de SOGETRAM perdra la vie à cause d'une erreur inexcusable d'un employé de EDF, ceci est une autre histoire mais aujourd'hui ayons une pensée pour Thierry JULIEN.


Dans les réacteurs REP, tout comme dans les REB, le cœur du réacteur avec le combustible nucléaire est placé dans une cuve elle-même en contact avec de l'eau. La réaction en chaîne échauffe les assemblages de combustible qui chauffent alors l'eau, appelée eau « primaire ». En exerçant une forte pression (155 atmosphères), le pressuriseur empêche cette eau de bouillir. L'eau « primaire » reste donc sous forme liquide.

Grâce aux pompes primaires, l'eau « primaire » circule en circuit fermé entre la cuve du réacteur et le Générateur de Vapeur (GV). Le GV est un échangeur qui va permettre la transmission de la chaleur de l'eau du circuit primaire à l'eau du circuit secondaire. L'eau secondaire - qui ne sera jamais en contact avec le combustible - étant soumise à une pression beaucoup plus faible (70 atmosphères), va entrer en ébullition. La vapeur alors produite est acheminée vers le turboalternateur. Une fois actionné par la vapeur, le turboalternateur produit de l'électricité.

A la sortie du turboalternateur, la vapeur est retransformée en eau dans un « condenseur » refroidi par de l'eau de mer ou de rivière ou encore par de l'air frais et humide qui s'engouffre dans les tours en béton appelées « aéroréfrigérantes ». Cette eau est donc un troisième circuit totalement indépendant de l'eau secondaire.

L'eau secondaire est ramenée vers le réacteur nucléaire pour être à nouveau transformée en vapeur refermant ainsi le cycle.

© 2016 Patrice Cotty 27240
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