Un sacré voyage
HAUTEFAGE 81
Le barrage DARBANDIKHAN en aval
C'est une ambiance particulière qui règne ce matin là, au moulin, un nouveau stage, un petit frisson me parcourt le dos je me revois ici il y a deux ans, à leur place, c'est rien deux ans et pourtant le chemin et les expériences vécues me semblent immensurable. Je découvre ces nouvelles têtes une a une, je ne sais pas encore que certains seront mes compagnons de route pendant plus de 25 ans, je ne sais pas encore que d'autres auront des destins tragiques et perdront la vie ici et dans ce métier qui nous passionne tous, je ne sais pas encore que quelques uns liront ces lignes 40 ans plus tard et verront un instant passer les images de leur jeunesse. Pendant ces trois a quatre mois deux stages vont s’enchaîner, Petit Pierre à la baguette, "Stock" et moi à l'assistance, on répète tout ce que nous avons vécu auparavant, par deux fois je retrouverais Argentat et le barrage de HAUTEFAGE pour les plongées de fin de stage et j'en garde de sacrés souvenirs. A la fin de ces stages tous les nouveaux sont affectés dans la société sauf un ou deux qui venaient d'entreprise ou d'organisme extérieur, comme notre petit ingénieur de COYNE ET BELLIER, qui lui aussi perdra la vie un peu plus tard. Dans ce lot de jeunes stagiaires c'est marrant il y a des fils d'anciens scaphandriers, Sabatier, Cobos, Cabrejas, oui les pères de la SOGETRAM ont transmis la passion à leurs progénitures, parfois ce sont mêmes les frères de stagiaires précédant, qui viennent grossir les rangs, ceux qui participent bien sur à cet esprit de corps et de famille dans ce milieu.
1981 est une année particulière, la fin de GISCARD et l'arrivée de MITTERRAND, tout cela participe à un climat un peu bizarre, je continue ma vie sur les chantiers et au début du mois d'octobre alors que la guerre fait toujours rage en IRAK, ROGER ARMELA nous convoque, Jean LOUVET, Fred CABREJAS et moi même, la mission: partir en IRAK, allez faire l'inventaire du matériel que nous avons abandonné il y a plus d'un an sur le barrage et de vérifier la possibilité de reprendre les travaux, pas de réticence chez nous, je ne sais pas si cela serait le cas aujourd'hui.
Ici va commencer un sacré voyage, départ d'Orly, 1 heure vers ZURICH, petite escale et nous voila partis pour ROME, ensuite ATHÈNES une heure d’arrêt mais dans l'avion, ensuite encore une petite escale à BEYROUTH, toujours dans l'avion, par le hublot on voit les stigmates de la guerre sur les façades des immeubles, et hop on redécolle direction AMMAN en JORDANIE. Je me dis c'est bon on va dormir aller à l’hôtel, mais que nenni, le taxi nous amène à une gare routière, et comme Jean ne parle pas beaucoup comme d'habitude, on découvre le programme au fur a mesure. Nous voila au pied d'un vieux car CHAUSSON des années 60, on monte et "l’hôtesse" nous donne une boite à chaussures en carton, cette boite contient trois petit paquets de biscuits LU, un litre d'eau et une pomme, et c'est parti pour un périple d'environ 1500 km vers BAGDAD. Le bus roule toute la nuit, ne s'arrete en chemin que pour refaire le plein et en fin de matinée le lendemain nous jette à BAGDAD, un taxi et on retrouve l'agence SOLSIF dans les petites rues blanches et ensoleillées de la capitale, le décor à un peu changé en un an, on aperçoit dans le ciel des ballons anti-aérien comme j'avais vu dans ces films de la seconde guerre mondiale. Bon c'est pas tout, on va dormir maintenant et bien non, une douche et on reprend un 4x4 pour DARBANDIKHAN.
Une fois sur place après cinq six heures de voiture, nous sommes accueillis et logés chez nos amis Japonais de MITSUBISHI, la base Française de SOLSIF n'existant plus. Pendant une semaine nous vérifierons notre matériel, contrôlerons les gaz et les équipements , rien n'a bougé, sur les flanc de collines en amont du barrage tous les matériels de SOLETANCHE sont resté figés comme des vestiges anciens, ils ne reprendrons jamais leurs travaux, alors que pour nous, cela sera plusieurs années de labeurs qui nous attendent, les nouveaux stagiaires vont bientôt découvrir eux aussi l'IRAK.