Le barrage

Un peu de technique

Ce barrage poids*, fini de construire en 1961 souffre de nombreux problèmes dus à la construction, affaissement de terrain sur les berges de la retenue d'eau*, et défauts de béton au niveau des buscs immergés devant les conduites forcées, cela sera notre tâche de renforcer ceux-ci. 

Sur la rive gauche nous avons le barrage en enrochement, ensuite les 3 pertuis comprenant chacun une ouverture d'une conduite d'environ 9 mètres de diamètre et enfin les trois sauts à ski de déversement en rive droite. Chaque pertuis ressemble à un immense puits ovale. Sur les murs deux rails qui guident une porte métallique haute de 12 mètres.

 Cette porte une fois descendue au fond peut en prenant appui sur un busc obturer la conduite, mais voilà le busc béton est endommagé, il va falloir le démolir partiellement et replacer sur sa zone de contact des immenses tôles acier ancrées et scellées à la résine, cela prendra quelques années.

 Lors de cette première mission tout n'est pas au point, nous avons un caisson et une bulle de plongée complètement étanche pour faire les paliers de décompression, hélas pas la possibilité d'installer le treuil de descente ainsi que la bulle. Notre matériel de plongée est lui déjà sur place, nous avons chacun une caisse en bois avec notre équipement et divers matériels de travaux. Dans le pertuis, le niveau d'eau peut varier en fonction de la charge d'eau dans le lac, nos plongées devraient se réaliser en 70 et 75 m sur les buscs mais aussi à des profondeurs un peu moins importante dans les cheminées d'équilibrage placées en aval des portes et qui débouchent sur le haut de la conduite forcée.

Lors de cette mission, nous ferons beaucoup de plongées à l'air parfois jusqu'à 60 m, bonjour la narcose je fais une découverte. Pour les plongées mélanges nous utiliserons des tables spécialement conçues pour nous par le Docteur CABARROU*, il viendra même à un moment sur le chantier nous voir avec Roger ARMELA qui y réalisera sans doute une de ces dernières plongées de sa vie. 

Nous utilisons un mélange 40/40/20, pour une plongée à 70 m de 40 minutes nous avons 2 heures 30 minutes  à 2 heures 40 minutes de palier, le premier à 24 m et le dernier à 6 m (1 h). Et bien évidemment comme nous n'avons pas la bulle, tous nos paliers se font en pleine eau le long du mur. J'en ai lu des S.A.S* lors de ces longues heures à buller dans le pertuis, le prince MALKO à BAGDAD me paraissait plus proche. 

On réalisait des plongées pratiquement tous les jours il fallait quand même une belle santé pour encaisser tout cela, et nos premiers essais de démolition du busc au marteau piqueur ne donnait pas satisfaction, le béton à démolir était bleu très dur et on avait un rendement de misère, casser un demi litre en 40 minutes on n'était pas sorti des ronces comme on dit chez moi. Nos appareils recycleurs étaient composés de deux poumons caoutchouc et d'un bac rempli de chaux sodée, le principe de cet appareillage est le suivant:

 - le détendeur en fait est en surface il régule le mélange envoyé dans le narguilé à la pression voulue et au débit souhaité, une partie des gaz que nous expirons repasse dans le recycleur, le CO2 est piégé en partie par la chaux sodée et nous respirons une partie de nos gaz d'expiration ainsi épurés, cela permet une économie de notre stock d'hélium. 

Mais ce système a aussi ses inconvénients, lorsque nous descendons trop rapidement au fond  (je me rappelle avoir fait des descentes en moins de 2 minutes de la surface à 70 m), le débit n'est plus suffisant, les poumons en caoutchouc se plaquent, alors on demandait au chef de plonge qu'il appuie sur un bouton by-pass, cela avait pour effet d'augmenter le débit provisoirement de façon artificiel, l'autre désavantage de ce système est lui beaucoup plus dangereux. 

En cas d'une panne d'air provoquée par une fausse manœuvre ou un défaut d'alimentation en surface, le scaphandrier ne s'en aperçoit pas, d'habitude lorsqu'il veut prendre son inspiration il n'y a rien, il manque aussitôt d'air, là c'est plus pernicieux car il a toujours de l'air puisque il respire le gaz qu'il a précédemment expiré sauf que celui-ci se charge de plus en plus en CO2, et c'est la perte de conscience* pouvant entraîner la mort. 

Heureusement nous avons une journée de repos, le vendredi pour reprendre des forces, le téléphone portable n'existe pas, le courrier faut pas compter dessus, je ne verrais qu'une seule fois une lettre arrivée de France sur le chantier.

 Alors l'un de nos premiers vendredi de congé on décide d'aller à Souleymaniye à un peu plus d'une heure de route au Nord, pour trouver une poste et appeler nos familles, cela bien sur sous escorte d'un convoi militaire, on n'avance pas bien vite et c'est vraiment une expédition. 

Une fois dans cette ville nous trouvons le bureau de poste central, on y découvre à l'intérieur quelques guichets derrière des grilles et des cabines téléphoniques en bois aux portes lourdes capitonnées à l'intérieur. A un moment c'est mon tour, on m'indique une cabine je peux avoir mon numéro en France, je rentre dans cette cabine décroche le combiné et cela dure 20 secondes pas eu le moyen de communiquer et la ligne est coupée. 

Fort de cette expérience je ne referais plus ces voyages en convoi militaire, je resterais au camp à dormir et reprendre des forces. Pour nos autres vendredi nous avons sur place un petit bateau à moteur et une paire de ski nautique, cela sera notre principal loisir lors de ce séjour.

 Sur la crête du barrage, il y a quelques batteries de défense anti-aérienne, les militaires nous laissent parfois nous asseoir dans le siège de celles-ci et utiliser les commandes de rotation ainsi que les jumelles de visées, avec celles-ci j'en profite pour suivre les aigles et autres oiseaux qui planent le long des falaises. 

Une des particularités de la région et surtout du lac du barrage, c'est un formidable endroit de migration des oiseaux et aussi une zone peuplée de nombreux animaux sauvages, il y a des milliers de cormorans, des cigognes, les aigles mais aussi plus tard j'y verrais même une famille d'ours descendre le long du chemin, trop près hélas des militaires qui effrayés en abattront un à la Kalachnikov

*Barrage poids barrage en enrochement dont la retenue est en forme de talus

*Docteur CABARROU médecin du GERS ayant travaillé à SOGETRAM, ayant grandement participé à la mise en place des tables de plongée aux mélanges et aux recherche sur l'ivresse des profondeurs, et  bien d'autres choses encore 1920-1996.

*S.A.S série de roman d’espionnage écrite par Gérard de Villiers dont le prince MALKO est le héros

*perte de conscience - Cela arrivera plus tard à notre ami Jules 

Philippe STOKLOSA et Dominique BONMARTEL prêt à descendre dans le puits à l'aide de la grue "chouai-chouai"

© 2016 Patrice Cotty 27240
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