Chroniques de Scaphandriers

Le moulin

SOGETRAM 

  1. Le Stage

Les joyeux drilles


  Le soleil brille sur la campagne normande, le moteur de la DAF variomatic de mon grand-père résonne bizarrement dans cette descente sinueuse qui nous amène vers le petit village de Garennes sur Eure, je ne suis pas rassuré, oh pas pour ce que je m'attends à vivre mais plutôt par cette conduite saccadée du géniteur de feu ma maman.

 Nous sommes le 2 avril 1979, c'est justement l'anniversaire de son décès il y a 12 ans, je m'efforce de penser à autre chose car aujourd'hui c'est un grand jour, je vais entrer dans une école de scaphandriers, la SOGETRAM. La voiture s'immobilise devant l'église, je descends, récupère mon baluchon et j'entends la voix du grand-père qui m'interpelle,

« C'est vraiment ce que tu veux faire? »

Sans plus réfléchir, je lui rétorque:

« Oui, et ne t'en fais pas, rentre, je vais me débrouiller maintenant. »

Je referme la portière, me dirige dans la rue en face de moi, je ne suis pas perdu, je suis déjà venu me présenter il y a quelques jours. Il est encore tôt, sur ma droite un café, le « prieuré » me tend les bras, les petits carreaux des fenêtres et de la porte d'entrée lui donnent cette impression de maison ancienne, il faut même baisser la tête en descendant l'unique marche qui nous projette un peu plus vite vers le bar.

Justement derrière ce zinc,  un gars avec les cheveux long, une chemise à carreaux de bucheron et une boucle de ceinturon démesurée, me toise d'un regard peu avenant.

« Bonjour, un café svp »

Il s'exécute sans me répondre mais je vois bien qu'il sait déjà ce que je fais ici, il en a vu passer des « joyeux drilles » avec leur sac de voyage ou valise fraichement bouclée, et il sait bien qu'aujourd'hui c'est le début d'un nouveau stage à la SOGETRAM comme chaque année à cette époque, et après tout ce n'est pas si mauvais pour le commerce.

En attendant l'heure, en observant les murs et la bonne vieille machine à pression qui trône sur le comptoir, je ne peux me douter à cet instant que cela sera mon quartier général pendant 25 ans et que « Pierrot » dit l'indien sera le témoin lui aussi de cette aventure.

Cela commence à s'agiter dehors, je paie, prend mon sac et sort du   « prieuré », je traverse la rue et me dirige vers l'entrée du « moulin » gardée par un transformateur bordant un petit parking, et la en entrant dans lâ cour, un petit pincement dans le dos me rappelle pourquoi je suis ici.

Je suis face à une immense bâtisse qui dresse sa toiture bien haute vers le ciel, oui c'est un ancien moulin qui est devenu dans les années 50 le fief de l'entreprise, le repaire de tous les scaphandriers mais aussi le gardien de toutes les histoires et péripéties de tous les jeunes et moins jeunes qui y ont séjournés. De tous ceux qui ont suivi ce chemin, personne ne pourra oublier le moulin, les vannages, les iles, et l'Eure, la rivière qui nous entoure avec son tumulte incessant.

Dans la cour, j'aperçois « Petit Pierre », la personne qui m'a accueilli quelques jours avant, il a le teint halé, la moustache bien brune et un léger accent que je n'arrive pas encore à définir.

Devant la façade auprès d'une grosse porte en bois, un attroupement se forme, on est environ une vingtaine pour cette formation et les poignées de mains se multiplient, Petit Pierre nous invite à le suivre,

« On va monter au dortoir où vous pourrez poser vos affaires, attention dans les escaliers, ils sont un peu raides et faites silence.Il y a des gens qui travaillent ici ! »

© 2016 Patrice Cotty 27240
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