De l'IRAK aux ÉGOUTS

Changement de décors 

En cette fin d'année 1980, une fois revenu en France après nos aventures Irakienne, je retrouve le train-train des chantiers en métropole. Et c'est là ou on peut voir la complexité du métier, je passe des plongées journalières à 70 mètres au travaux dans la Seine ou aux égouts parisiens, et oui dans ce métier il est fréquent que l'on intervienne sur ces réseaux pluviales ou dans les centrales d'épurations, il y a parfois des plongées dans le noir et dans des galeries sur plusieurs centaines de mètres qui sont bien plus "flippantes" que des plongées à de grandes profondeurs. C'est difficile pour le commun des mortels de s'imaginer ce que l'on ressent, je peut essayer de vous le raconter mais rien ne m'avait préparer à cela au début de ma formation. 

Lorsque une équipe de scaphandriers intervient en région parisienne, à ce moment là elle vient souvent de notre base locale, la péniche qui se tient au pied du pont du quai de la rappée en rive droite*, Michel Caillot est le chef d'agence, Marcel TRAINI et Alain RAUWEL sont les adjoints techniques, ils dirigent leurs équipes sur toutes la région, en visite de pont, réparations d'ouvrages et interventions en milieu insalubres, nos fameux égouts.

Lors de ces interventions ce qui est drôle aujourd'hui c'est que ce sont souvent les égoutiers Parisiens qui nous ouvraient les  tampons fontes sur la chaussée et qui nous regardaient en disant:

"Messieurs les plongeurs à vous de jouer"

En ces mois sombres de fin d'année, je me souviens encore en premier de l'odeur, de la chaleur qui se dégage du trou sombre, repoussant. Je ferme la glace de ma cagoule, je vérifie les communications, mon éclairage, mon phare de tête et voila il faut descendre à l'échelle dans le bouillon, souvent les palmes autour du poignet, je les mettrais lorsque je serais au pied de l'échelle. Je suis dans un Ovoïde d'environ deux mètres, en pied il y a deux banquettes en béton et au centre je sent un important dépôt de vase et de détritus, aujourd'hui la mission consiste à une simple visite, justement pour vérifier sur une centaine de mètre l'envasement du réseau, mais combien de fois dans ma carrière je réaliserais des travaux de pompage, démolition construction, je ne saurais le dire. Je suis sous l'eau, elle est un peu plus chaude que le vent qui glace mes compagnons en surface, bien sur le phare ne sert a rien, la turbidité du liquide ne laisse pas le moindre halo de lumière le transpercer, c'est comme des phares de voitures dans un épais brouillard, en fait dans la cagoule je devine juste le bout de mon nez, il y a un léger courant que je remonte difficilement avec ma pige et ma truelle dans les mains.

Je demande du mou au narguilé, à cette époque la sécurité était moins développé , il était rare d'avoir un biberon secours*, oui bien sur il y avait bien une bouteille tampon en surface si le compresseur par malheur devait tomber en panne, mais pas grand chose si jamais on avait en bas un problème de détendeur ou une rupture du narguilé. Pareil combien de fois nous sommes nous engager dans des conduites ou on ne pouvait même pas faire demi-tour mais juste refaire le chemin en marche arrière?

En attendant je continu ma progression et tous les cinq mètres environ, je sonde la vase et le sable, et grâce au repaire en scotch sur la pige, le braille du scaphandrier, j'annonce la mesure à la surface, parfois je me cogne ou m'accroche dans des branchages ou des encombrants en plastique, je me tape même la tête dans une bouteille de gaz, style bouteille d'acétylène, mais que fait elle la? 

Entre les jambes il m'arrive parfois de sentir des trucs passer, je ne sais même pas ce que c'est, rats?, anguilles? ou tout simplement des flottants, je ne saurais le dire et je n'ai pas vraiment envie d'y mettre les mains. Tout cela n'a rien d'insurmontable, on est pas des héros ou autres mais il faut des années pour bien appréhender toutes les facettes de ce métier, et plonger en égouts c'est aussi un métier, être capable de résoudre dans le noir le plus total, une réparation, un démontage mécanique ou forer des ancrages cela se travaille, certains y arrivent bien, d'autres ne seront jamais fait pour cela.

Je fini ma plongée, après avoir fait demi-tour je demande à la surface de reprendre mon narguilé, j'ai du m'enfoncer d'environ 60 mètre dans la galerie je suis en bout de narguilé, je reviens vers l'échelle, ma cagoule émerge de l'eau, la lumière m'éblouie, je retire les palmes et sort du trou, le nettoyage peut commencer, plus tard on trouvera souvent des stations services ou on aller se passer au jet, mais là ce n'est pas encore courant, donc on à prévue des bidons d'eau dans la camionnette, je me déshabille et  on range le matériel pour reprendre la route vers le moulin ou la péniche, je sais que demain même après avoir rincé le matériel, quand on montera dans le tube la première chose que l'on ressentira, c'est l'odeur du matériel et du caoutchouc froid, imbibé du parfum de nos égouts.

Au début de l'année 1981 je travaille dans un premier temps à l'atelier, et ensuite je suis envoyé sur un chantier à coté du moulin, le pont de BUEIL qui enjambe l'EURE, un petit chantier de réparation pas loin de la maison c'est super, aujourd'hui encore si on va sous ce pont dans le béton du redan on voit les noms de l’équipe, Rossignol, Chavigny, etc., c'était une tradition de signer nos bétonnage. Un peu plus tard je me casse le poignet et je reprendrais le travail sur des ponts de la région, puis Arméla fait appel à Philippe Stoklosa et moi même pour aider Petit Pierre à encadrer le nouveau stage du mois d'Avril, il faut dire que déjà en deux années sur les vingts de mon stage nous ne sommes plus que cinq ou six, beaucoup arrêtes d'autres partent vers de nouveaux horizons, la plongée off-shore, et il faut sans cesse renouveler les effectifs. Cette année 1981 sera faste, il y aura deux stages coup sur coup, et plusieurs de ces scaphandriers sont encore en activité ou vienne d’arrêter il y a peu de temps.

*acuellement c'est le ministére des finances qui occupe notre quai

* biberon secours, bouteille sur le scaphandrier qui peut alimenter le casque en cas de rupture du narguilés



© 2016 Patrice Cotty 27240
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