Seyssel

Ou l'histoire de mon dernier billet


L'année 1979 se termine, j'ai eu l'occasion de travailler sur une multitude de chantiers, de Port-des-barques aux émissaires de Port-Vendres, Collioure, Banyuls, et bien d'autres endroits, j'ai eu l'occasion de rencontrer toute l'équipe du Sud-Ouest, Jean Pierre ETIEN, Jean LACAMBRE, Gaby LAFAYE mon moniteur de stage et maintenant je dois rentrer sur Garennes au Moulin. C'est l'hiver et là je découvre une autre facette du métier de scaphandrier, le froid! et croyez-moi il y a certaines plongées qui ne sont pas des plus agréables, et parfois au fond de l'eau on rêve d'une bonne couette. La plupart du temps une équipe de scaphandriers est composée de trois bonhommes, d'une camionnette et de tout le matériel nécessaire aux plongées, et cet ensemble sillonne les routes de chantier en chantier. Mais en ce début d'année 1980, l'agence du Sud-Est, dirigée par Félix COBOS, doit réaliser un chantier sur un barrage situé sur le Rhône dans l'Ain, à la frontière de la Savoie. Ce chantier nécessite plusieurs équipes sous la direction d'un conducteur de travaux. Trop froid pour descendre de Normandie à Seyssel en moto je ferais le premier voyage en train avec mes sacs, la gare de Seyssel se trouve sur l'autre rive de l'usine du barrage, une passerelle métallique enjambe le Rhône et me permet de rejoindre l'équipe. On se croirait au moulin, il y a au moins 4 camionnettes et des cabanes de chantier partout, il y a une fameuse bande sur place, une petite présentation s'impose. Le grand chef c'est Joël ROUSSEL, une figure a SOGETRAM, costaud le cheveux roux blond bouclé, fan de JHONNY, il en arbore le look, ensuite il y a des anciens déjà, le grand TANNIERE, Jean Louis MORIN, DONKERS, Dominique BONMARTEL, et puis quelques gars de mon stage BATTAS, STOKLOSA et un ou deux autre dont j'ai oublié le nom. Le chantier consiste à remettre en état le plan de grille de plusieurs passes, pour ce faire on réalise des plongées par binôme et cela sur plusieurs travées à la fois. Les grilles sont fixées par des colliers et des boulons sur des pannes métalliques se trouvant à plusieurs niveaux de profondeur, pour démonter ces boulons et les resserrer après avoir changé une section de grille il faut envoyer un scaphandrier de chaque coté des grilles et travailler ensemble sur les mêmes fixations, cela demande de la coordination et une bonne communication entre les scaphandriers. Comme on passe plusieurs heures au fond à des profondeurs variables, on réalise des paliers de décompression en remontant vers la surface, et la en plein hiver avec une eau qui flirte avec les trois quatre degrés, les paliers semblent long et le froid vous envahi malgré les lainages que nous avons dans notre volume, les mains sont gelés, les doigts nous brule et si en plus on a eu le malheur de percer le gant c'est encore plus dur, les minutes de paliers ressemble à des heures. En fin de plongée, une fois remonté en surface, c'est le pipi assuré, et ensuite on cherche les radiateurs ou les radians montés sur des bouteilles de gaz pour faire sécher nos lainages, on répare les gants, oui il faut déjà penser à la prochaine plongée et ne pas se faire prendre de court. Heureusement en fin de travaux tout ce beau monde se retrouve à l'hôtel du village, concours de flipper, apéros à répétition au perdant, il faut bien récupérer de ce dur labeur. Parfois en fin de journée nos deux chefs nous organise des sorties, Seyssel a une spécialité, la roussette, non non ce n'est pas un poisson mais un vin blanc sec et parfois mousseux, et il y a plusieurs caves sur le secteur, quand notre joyeuse équipe débarque dans une cave ce n'est pas pour s'extasier devant les tonneaux, Joel avec Tanniere ont mis une méthode au point, généralement on goute un verre ou deux et ensuite cela devient plus long à être resservi, c'est alors que les deux entame un dialogue,

Joel :

« T'en pense quoi ? J'en prendrais bien 50 ou 100 bouteilles ! »

Tanniere :

« Oui je ne sais pas il faut voir »

Du coup le caviste devant l'hésitation ressert tout le monde afin de faire pencher la balance, hélas pour lui on n'est jamais ressorti avec plus d'une bouteille.

Un soir c'est décidé, après nos plongées on prend la route pour Aix les Bains pour une virée mémorable. Ca commence doucement en fin a peu près on a quand même emmené avec nous le distributeur à cacahuètes de notre hôtel, et à l'arrière du tube on est en train de lui faire sa fête avec un tournevis. Arrivée à Aix les bains on se trouve un restaurant et le repas se passe sans encombre, en fin de soirée l'équipe aidée par un local se retrouve en vadrouille dans une quartier pavillonnaire, une petite maison est éclairée dans le jardin par une lampe rouge, et oui Marthe Richard n'a pas réussie à toute les fermées. On entre dans la demeure, et la une femme d'un certain âge assure la gérance du lieu, il y a deux ou trois charmantes pensionnaires en Louisette, la passe est à 100 francs, bien sur les chefs d'abords. Pendant ce temps on est plusieurs assis dans la cuisine du pavillon à boire un café accompagné d'une eau de vie de vin. Les premiers lascars redescendent de l'étage et se joignent à nous pour la goutte. Tout ce monde dans la cuisine et le salon, rigole parle haut, gesticule et moi pendant ce temps voulant aussi profiter de la spécialité du lieu je prépare mon billet de 100 francs que je tient entre mes doigts. Mais bien sûr tout ne se passe pas comme prévue, j'entend!

Joel :

« Purée il faut que j'y retourne, qui peut me prêter 100 francs »

Et la d'un geste prompt il m'arrache le billet des mains et me dit :

Joel :

« merci cocotte, je te rendrais cela »

Bien sur c'était mon dernier billet! Me voila Gros-Jean comme devant.


© 2016 Patrice Cotty 27240
Optimisé par Webnode
Créez votre site web gratuitement ! Ce site internet a été réalisé avec Webnode. Créez le votre gratuitement aujourd'hui ! Commencer